Avec plus de 1,7 milliard d’habitants, l’Asie du Sud est l’une des régions les plus densément peuplées au monde. Grâce au commerce, à la colonisation, aux migrations et à l’exportation de main-d’œuvre, les saveurs de la cuisine indienne ont voyagé à travers les continents et les siècles. Explorons comment des plats iconiques comme le curry, le biryani, le roti et le ghee sont devenus des incontournables mondiaux.

Curry – Le plat indien le plus célèbre mais mal compris
L’origine du curry
Si le “curry” est souvent associé à l’Inde, le terme lui-même est plus occidental qu’indien. En Inde, on entend plutôt le mot masala, qui désigne un mélange d’épices plutôt qu’un plat spécifique. L’usage des épices remonte à plus de 4000 ans avec la civilisation de la vallée de l’Indus, où graines de moutarde, cumin et fenouil étaient utilisés.


Le climat chaud et humide de l’Inde a favorisé l’usage des épices pour aromatiser, conserver et soigner. Ce que le monde appelle aujourd’hui “curry indien” varie considérablement selon les régions – currys végétariens dans les foyers hindous, currys carnés dans les cuisines musulmanes, et currys de fruits de mer sur les côtes.


Le périple du curry à travers l’Asie
Par le commerce et les migrations, la cuisine indienne a influencé l’Asie du Sud-Est. Les currys thaïlandais utilisent lait de coco et sucre ; les versions birmanes sont huileuses et riches en oignons ; les currys malaisiens et indonésiens incorporent citronnelle, galanga et pâte de crevettes. Même les currys vietnamiens ont leur touche distinctive avec coriandre et ciboule.

Le curry en Afrique et en Occident
Les marchands arabes ont introduit les épices indiennes en Afrique de l’Est dès le VIIIe siècle. Au XVIe siècle, les Portugais ont popularisé le mot tamoul “kaṟi” à Goa, diffusant le terme mondialement. Les colons britanniques ont ensuite répandu le curry dans tout leur empire, notamment en Angleterre, en Afrique du Sud et aux Caraïbes.

Au XVIIIe siècle, la poudre de curry fut commercialisée en Grande-Bretagne. Les restaurants indiens, comme celui ouvert par Sake Deen Mahomed en 1809, ont commencé à prospérer. Même la reine Victoria avait des chefs indiens préparant des currys quotidiens.

L’amour du Japon pour le curry
Introduit au Japon par la marine britannique, le curry japonais s’est adapté avec des épaississants à base de farine et se sert avec du riz. Né dans l’armée, il est rapidement devenu l’un des plats réconfortants préférés du pays.

Biryani et pilaf – Des racines indiennes à la persane
L’ancien plat de riz
Le mot “pilaf” vient du sanskrit “pulāka”. Des variantes de riz cuisiné avec de la viande sont mentionnées dans le Mahabharata. Lorsque la Perse a conquis des régions indiennes au Ve siècle avant notre ère, le riz a voyagé vers l’ouest.

De la Perse au monde
Le savant persan Ibn Sina a documenté le pilaf au Xe siècle, le qualifiant de nutritif et reconstituant. Le plat s’est répandu au Moyen-Orient, en Europe et en Asie – pour finalement revenir en Inde et se transformer en biryani.

Le biryani est généralement plus riche et épicé que le pilaf, cuit en couches avec viande et riz parfumé. Il existe en divers styles régionaux – du biryani d’agneau moghlai aux versions côtières aux fruits de mer.

Roti – Le champion indien des pains plats
L’ascension du roti
Le roti, aussi appelé chapati, est le pain sans levain quotidien de l’Inde, remontant à la civilisation de la vallée de l’Indus. Fait de farine de blé complet, il est simple, portable et durable – parfait pour les climats rudes.

Soldats coloniaux, ouvriers indiens et révolutionnaires comptaient tous sur le roti. Durant la révolte des Cipayes de 1857, des rotis servaient même à transmettre des messages codés entre résistants. Aujourd’hui, le roti s’est répandu aux Caraïbes, en Afrique du Sud et en Asie du Sud-Est.

Les wraps caribéens au roti
À Trinité, au Suriname et en Guyane, le roti est souvent farci de viande au curry, légumes ou pois chiches – semblable à un burrito. Cette fusion de praticité et de saveur est devenue un street food adoré.
Roti canai – Le pain volant d’Asie du Sud-Est
Du rumali roti au parotta
Le rumali roti indien (“pain mouchoir”) est souple, fin et souvent lancé en l’air comme une pâte à pizza. Le parotta, du sud de l’Inde, est un pain feuilleté similaire aux crêpes chinoises à la ciboule.

La version malaisienne
Les migrants musulmans indiens en Malaisie ont créé le roti canai, hybride de rumali roti et parotta. C’est maintenant un basique en Malaisie, Indonésie, Singapour (sous le nom roti prata) et Thaïlande, servi sucré ou salé avec curry, banane ou lait concentré.

Pickles indiens – Épicés, aigres et essentiels
Achar, le conservateur ancestral
La conservation par saumure en Inde remonte à plus de 4000 ans. L’achar inclut mangue, citron vert, ail et aubergine, souvent conservés dans de l’huile de moutarde ou de sésame avec piment, tamarin et ail. Chaque région a son style préféré.

Influence mondiale
Les pickles indiens ont inspiré des plats comme l’acar en Asie du Sud-Est et le piccalilli au Royaume-Uni. Les marins britanniques utilisaient les pickles contre le scorbut, et l’autrice culinaire Hannah Glasse incluait des recettes de pickles indiens dans ses guides du XVIIIe siècle.

Ghee – Le gras doré de l’Inde
Le ghee, une forme de beurre clarifié, vient du sanskrit “ghṛuta” et fait partie de la vie indienne depuis plus de 4000 ans. Sacré dans l’hindouisme, il est utilisé dans les rituels, la cuisine et la médecine traditionnelle.

Stable à température ambiante, riche en saveur et sans lactose. L’Ayurveda le vante pour faciliter la digestion et guérir les ulcères. Aujourd’hui, le ghee sert à tout – des soupes de lentilles aux sucreries, et même dans le thé au beurre tibétain.

Puttu – Les galettes de riz à la noix de coco vapeur
Le puttu est un petit-déjeuner populaire au Kerala, fait de farine de riz, noix de coco râpée et sel. Cuit à la vapeur dans des cylindres de bambou, il se sert avec banane, sucre de palme ou curry.

Ce plat a voyagé avec marchands et ouvriers indiens en Asie du Sud-Est, évoluant en kue putu et ondeh-ondeh en Indonésie et Malaisie – maintenant des friandises festives souvent colorées au pandan et fourrées au sucre de palme.

Une cuisine, d’innombrables histoires
Des échoppes de Bangkok aux banquets royaux londoniens, la cuisine indienne continue d’influencer et d’inspirer. Que vous trempiez un roti dans un curry épicé ou dégustiez un roti sucré à la banane en Thaïlande, chaque bouchée raconte des millénaires d’histoire, de migrations et de saveurs.